La recherche et la robotique, deux alliées de choix dans le combat contre l'autisme - Interview de Pauline Chevalier

Pauline Chevalier, doctorante en troisième année de thèse à l’Unité d’Informatique et d’Ingénierie des Systèmes (U2IS) au sein de l’équipe « Robotique et Vision » de l’ENSTA ParisTech, a été nominée au Prix Innovation jeune chercheur.se de l'Université Paris-Saclay le 7 avril 2016 (3 projets nominés parmi les 12 présentés !).

A cette occasion, nous revenons sur son parcours et ses recherches - Interview par Sandra Lanfranchi.

 

Après une licence électronique et un master en systèmes avancés et robotique à l’Université Pierre et Marie Curie - UPMC, Pauline s’oriente vers la recherche. Elle prépare actuellement une thèse sur l’autisme et la robotique (Interaction Homme-Machine Sociale Personnalisée Proprioceptive et Kinématique). Son projet de doctorat a été élaboré grâce à la collaboration entre ses trois directeurs de thèse, le Professeur Adriana Tapus (U2IS, ENSTA ParisTech), le Professeur Jean-Claude Martin (LIMSI-CNRS, Université Paris- Sud), et le Professeur Brice Isableu (STAPS, Université Paris-Sud) et Christophe Bazile, ancien chargé de recherche au Foyer d’accueil médicalisé La Lendemaine.

Améliorer les capacités sociales et de communication des autistes
La thèse de Pauline porte sur les interactions entre l’homme et le robot dans le cadre de l’autisme. Elle collabore avec deux établissements de soins : Maia Autisme, association pour enfants et adolescents (et notamment Gwenaëlle Lerigoleur, éducatrice  spécialisée) et FAM-La Lendemaine, à la fois foyer d’accueil médicalisé pour adultes et centre de recherche. L’autisme, ou troubles du spectre autistique (TSA), fait partie des troubles du développement. C’est un syndrome qui apparaît précocement et qui se  poursuit à l’âge adulte. Affectant les fonctions cérébrales et rendant difficile l’établissement d’un lien social avec le monde extérieur, il se caractérise par des troubles de la communication et du langage, des anomalies des interactions sociales et des  comportements répétitifs. Actuellement, la recherche en robotique d’assistance à la personne se développe. Les individus atteints d’autisme montrent une affinité élevée pour les robots. L’hypothèse a été soulevée qu’un robot peut devenir un outil efficace et  complémentaire pour un travail sur les signaux sociaux, l’attention jointe et la reconnaissance d’émotion avec les personnes souffrant de TSA. « Les individus atteints d’autisme ont des profils très variables et peuvent être plus ou moins atteints dans leurs troubles autistiques. Cela implique que les interactions sont très variables d’une personne à une autre. Cette variabilité implique un besoin d’établir des profils personnalisés pour chaque personne », explique Pauline. Son travail se base sur l’hypothèse selon  laquelle l’intégration des informations visuelles et proprioceptives (perception, consciente ou non, de la position et des changements des différentes parties du corps) d’une personne joue un rôle sur ses capacités sociales et interactives. Elle travaille avec les robots humanoïde Nao (Aldebaran Robotics) et Zeno, au visage d’apparence humaine (Hanson Robotics). Les interactions avec les robots, qui ont toujours lieu avec un encadrant et le personnel soignant, nécessitent l’accord des parents ou des tuteurs légaux.

Stimuler l’attention des autistes grâce à des exercices personnalisés
Tout d’abord, Pauline élabore des profils visuel et proprioceptif des personnes atteintes d’autisme qui participent au projet. Lors des expérimentations avec les robots, le comportement social de chaque participant est analysé, notamment en regard de son profil  visuel et proprioceptif, dans le but de valider son hypothèse de thèse. Puis vient le temps de la rencontre avec le robot et des exercices personnalisés. Il est nécessaire d’adapter le temps et les difficultés des thérapies avec le robot en fonction de chaque individu.  Pauline doit donc collaborer étroitement avec les thérapeutes des structures d’accueil qui prennent part au projet. Les personnes autistes connaissent des difficultés pour intégrer les éléments nouveaux, il est donc primordial de les habituer aux robots. Une  présentation de Nao aux participants au projet a été conduite : « ils ont montré beaucoup d’enthousiasme lors de cette rencontre et sont impatients de revoir le robot », souligne Pauline.

L’autisme est un trouble découvert en 1943. La variabilité des troubles chez les personnes atteintes d’autisme fait que les thérapies sont parfois très difficiles à adapter. En France, la prise de conscience autour de l’autisme est récente : il est reconnu comme un  handicap depuis 1996 et le premier Plan Autisme date de 2005. Les structures spécialisées sont donc récentes et médiatisées depuis peu. La recherche pour l’aide aux personnes atteintes de TSA est en pleine effervescence. Ce travail est d’utilité publique : c’est une aide à la thérapie qui ouvre la voie à de nouvelles perspectives. Pauline, qui mène sa tâche avec courage et empathie, a déjà reçu des signes très positifs de la part des équipes encadrant les patients.