Dynamique des modes instables de sillage en aérodynamique automobile : des modèles simplifiés aux véhicules réels

Vendredi 5 octobre dernier, Guillaume Bonnavion, doctorant à l'UME a soutenu sa thèse intitulée "Dynamiques des modes instables de sillages en aérodynamique automobile : des modèles simplifiés aux véhicules réels". Retrouvez son article détaillé pour plus d'informations sur ses travaux :

Dans le contexte actuel de réchauffement climatique, de nombreux efforts sont déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre malgré des besoins croissants pour le transport des biens et des personnes. Les véhicules terrestres sont des corps non profilés (en anglais, bluff bodies) dont la géométrie génère un décollement massif de l'écoulement à l'arrière et la création d'un sillage. A cause des faibles niveaux de pression, il est responsable d'environ un tiers de la résistance totale de l'air à l'avancement, appelée traînée aérodynamique. De plus, des asymétries statiques ont été récemment identifiées dans le sillage de ludospaces (Cadot et al, 2016, Bonnavion et al, 2017) ; elles génèrent une contribution additionnelle à la traînée (Cadot et al, 2015). Afin de réduire la consommation en carburant et les émissions polluantes des véhicules personnels, mais aussi des camions, bus et même des bateaux, il est crucial de réduire leur traînée aérodynamique et, pour cela, de comprendre les mécanismes physiques mis en jeu. Le but est d'effectuer le contrôle le plus efficace possible dans le but soit de supprimer l'instabilité et sa contribution négative à la traînée, soit de forcer le sillage dans sa configuration la moins énergivore. La complexité du problème est intimement liée aux exigences  industrielles car les modifications à effectuer doivent être non seulement efficaces, mais aussi légères, facile à implémenter, économiques, transposables à la grande série et elles ne doivent pas modifier le style général du véhicule.

Pour toutes ces raisons, des modèles simplifiés comme le corps d'Ahmed à culot droit (Ahmed et al, 1984) sont couramment étudiés. Son sillage est soumis à la même instabilité que les véhicules réels (Grandemange et al, 2013b, 2014), introduisant une asymétrie dans le sillage qui contribue à la traînée et dépend du rapport d'aspect hauteur-largeur du corps (Grandemange et al, 2013a). Dans notre travail publié dans Bonnavion & Cadot (2018), nous étudions les deux types d'instabilités en modifiant la garde au sol (distance soubassement - sol) mais aussi l'alignement de la maquette par rapport à l'écoulement incident (angles de dérapage modélisant du vent latéral et d'assiette reproduisant le chargement du véhicule). La dynamique du sillage apparaît très sensible à ces paramètres et modifie le chargement aérodynamique instantané appliqué au véhicule, à la fois en termes de portance - une force dirigée vers le haut qui réduit la stabilité du véhicule - et d'effort latéral; certaines configurations conduisent à de grandes fluctuations. Les mêmes études sont ensuite reproduites avec des véhicules réels (Bonnavion et al, 2018) - Renault Kangoo, Peugeot 5008 et Partner (voir Figure 1), Citroën Berlingo - avec d'excellents résultats.  L'aspect réduction de traînée est également considéré (Bonnavion & Cadot, 2018b) par l'ajout de rétreints d'arrière-corps (en anglais, boat-tails). Dans le meilleur des cas, la traînée est réduite de plus de 10 % sur le modèle simplifié, ce qui correspondrait à environ 10 à 15 grammes de CO2 par kilomètre. Les rétreints constituent également une méthode efficace pour contrôler la dynamique du sillage et donc le chargement aérodynamique transverse appliqué au véhicule.

Ce travail est réalisé et a été financé dans le cadre des recherches menées par le Centre National de Recherche Technologique en Aérodynamique et Aéroacoustique des Véhicules Terrestres (CNRT R2A ) .  Les véhicules sont fournis par le Groupe PSA et le Groupe Renault et les essais sont menés aux souffleries industrielles du GIE-S2A.

 
Figure 1 - Peugeot Partner dans le plénum de la soufflerie pleine échelle du GIE-S2A pendant une séance de soufflerie, où un tapis défilant (en blanc) modélise l'effet de la route tandis que les roues tournent. Le mât de mesure (jaune) permet d'effectuer des mesures de vitesses et de pressions dans le sillage du véhicule, qui est équipé de capteurs de pression.