Une fusée qui a du retour

Longtemps les fusées ont décollé sans espoir de retour. Et puis un beau jour de décembre 2015, SpaceX a révolutionné le monde des lanceurs en parvenant à faire atterrir en douceur le premier étage de sa fusée Falcon 9, chose réputée impossible jusqu’alors.

A la décharge de toutes les agences spatiales traditionnelles qui avaient renoncé à trouver une solution, il faut reconnaître que ce retour de premier étage est semé d’embûches, que les ingénieurs appellent aléas. Ils sont essentiellement au nombre de trois : fluctuation du débit propulsif, quantité exacte de carburant restante, laquelle a une influence directe sur la dynamique de vol, et aérodynamique globale du système, variable avec l’altitude.

Dans sa thèse défendue en septembre dernier à ENSTA Paris et qui avait pour titre « Contrôle optimal sous incertitudes pour l’atterrissage vertical d’un 1er étage de lanceur réutilisable », Clara Leparoux, encadrée par Frédéric Jean, directeur de l’Unité de mathématiques appliquées d’ENSTA Paris et Bruno Hérissé de l’ONERA, a élaboré une technique de contrôle optimal tenant compte de ces incertitudes.

Un des encadrants, Frédéric Jean, travaille depuis longtemps sur la planification avec contrôle optimal. En l’espèce, il s’agissait de chercher la meilleure trajectoire pour un critère donné, tout en tenant compte des aléas, ce qui revenait à ajouter de la robustesse dans la planification.

Clara Leparoux, accompagnée d'Andrea Simonetto et Frédéric Jean de l'UMA, à l'issue de sa soutenance de thèse
Clara Leparoux, accompagnée d'Andrea Simonetto et Frédéric Jean de l'UMA, à l'issue de sa soutenance de thèse.

Un critère déterminant dans le cas d’un lanceur spatial est la minimisation de la consommation de carburant. Tout ce qui peut être sauvegardé jusqu’à la phase finale permet de garantir que la poussée de freinage sera suffisamment puissante et prolongée pour garantir un atterrissage en douceur.

La stratégie habituelle en matière de planification avec contrôle optimal consiste à planifier d’abord en recherchant l’optimalité, puis à utiliser des mesures en vol pour se recaler et corriger les erreurs au fur et à mesure du vol.
Les travaux de thèse de Clara Leparoux ont mis en évidence le fait que cette approche a une limite : la trajectoire optimale obtenue théoriquement peut être au final impossible à atteindre du fait des aléas.

Il convient donc d’utiliser une méthode de planification utilisant une modélisation stochastique (produite par l’effet du hasard) plutôt que déterministe. On rajoute alors des «bruits » qui permettent de modéliser la méconnaissance des conditions initiales en l’interprétant comme une variable aléatoire. La dynamique du lanceur est modélisée de la même façon.

La robustesse sera modélisée en fixant comme critère la minimisation de la consommation de carburant mais aussi celle de la dispersion des trajectoires autour de la moyenne.

Dans sa thèse, Clara Leparoux propose une bonne méthode d’approximation qui permet de traiter ce type de problèmes et de le remplacer par un problème déterministe beaucoup plus simple, sur lequel il est possible d’appliquer des algorithmes standards qui minimisent les temps de calcul.

Cette méthode permet de prendre en compte des contraintes en probabilité, par exemple garantir que le lanceur arrivera sur la cible avec une probabilité supérieure à 95%.

Au final ces travaux de thèse ont permis de fournir un cadre général avec une méthode de résolution numérique satisfaisante grâce à une approximation adaptée.